Les formes attendent mon intervention pour naître, puis elles s’imposent et mènent une vie indépendante. Je les regarde avec respect évoluer dans le monde évoqué sur la toile, monde qui est, pour moi, une des faces du Réel.
Cet univers m’apparaît comme le reflet des choses invisibles que nous pressentons si fort à certains moments, quand la clairvoyance tend vers son état originel et que nous sommes véritablement à l’écoute du cosmos. Le monde, dans chacune de mes toiles, n’est pas recréé. Il existait sur un autre plan de conscience et il est donc découvert, ou plutôt retrouvé.
L’une des formes de la création à l’état pur, la courbe, parle au subconscient. Elle est l’harmonie dont l’être se souvient. Trait vivant qui crée le mouvement, dynamisme pur, la courbe permet de parcourir la surface et même, parfois, de suggérer son dépassement. La ligne a la puissance de la virtualité. De plus, elle est chargée du sens, du contenu qui lui donne sa direction.
Je suis guidée par le rayonnement du signe, point de départ de l’œuvre. J’utilise un répertoire d’idéogrammes émotionnels qui atteignent directement la sensibilité du spectateur et servent, par leur pouvoir d’évocation, de support pour son imagination. Même si le contemplateur n’en connaît pas la « signification » au premier degré, le signe-archétype universel, par sa cohérence, son intensité, sa subtilité, s’adresse à la conscience instinctive.
La composition autour du signe suggère les lignes de force de celui-ci, son expansion, avec la dialectique du passage de l’un (le signe) au multiple (les diverses figures en relation avec lui) et du retour du multiple vers l’un.
Une composition-réseau de formes pures, le plus souvent en courbes, évoque le tourbillon vital, ce monde métaphorique dans lequel tous les modes de mouvements sont représentés. La profondeur est obtenue grâce à des perspectives imaginaires et à l’interpénétration des tracés.
L’évocation se veut structurée, architecturale, la construction, énergétique, dans une recherche d’équilibre de volumes, de couleurs et de rythmes à la fois variés, complexes et sobres.
D’une part, les couleurs unies et, d’autre part, les nuances mêlées en épaisseur, au relief maçonné, proches parfois du papillotement impressionniste, obéissent à la loi des contrastes et, par leur alternance, se mettent en valeur mutuellement.
La présence du signe, loin de troubler l’harmonie de l’œuvre, la complète et l’enrichit, puisqu’elle génère des images plastiques.
Comme l’écrivait Kupka en 1921 : « En principe, l’art de la peinture est d’articuler une proposition à la lecture de caractères graphiques, plastiques et d’états de la lumière et de la couleur combinés. »
On trouve chez les poètes et les penseurs, notamment chez André Breton, l’idée que les signes laissés par les plus anciennes civilisations, de même que ceux qui viennent des couches les plus profondes (ou les plus hautes ?) de l’inconscient, lancent vers nous un appel.
En ce qui me concerne, je donne une réponse à cet appel en faisant naître autour de ces signes ou symboles une aura picturale qui a pour but de leur conférer une irradiation amenant le spectateur à mieux s’imprégner de leur puissance.
Quant à mes dessins, ils cherchent à rendre compte de l’enlacement des très nombreux rythmes qui forment l’harmonie du monde.
Complétant cette démarche, mes photographies visent à saisir les structures incarnant subtilement dans la matière ces rythmes créateurs.
Obéline FLAMAND